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« Au pays des Hommes fleurs » Indonésie, 2013-14-15

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Les Mentawaï ou « hommes fleurs » sont  une population autochtone des îles du même nom, au large de Sumatra. Ils se trouvent sur l’île de Siberut (4480m2 classée réserve protégée par l’UNESCO) au cœur de la forêt. Ce peuple est « animiste » c’est à dire qu’il considère que tout objet est animé par  une âme, ce qui donne lieu à divers rituels. Leur langue est le Mentawaï, et ils vivent en harmonie avec la forêt qui leur fournie de quoi se nourrir .

 

Ce peuple est « animiste » c’est à dire qu’il considère que tout objet est animé par  une âme, ce qui donne lieu à divers rituels. Leur langue est le Mentawaï, et ils vivent en harmonie avec la forêt qui leur fournie de quoi se nourrir. Avant de partir à la chasse les hommes demandent aux esprits de la forêt de leur permettre de ramener des singes ou des sangliers. Ensuite le chaman prépare le poison pour enduire les flèches. Pour la pêche, ce sont les femmes qui vont à la rivière et tente de ramener quelques crevettes, petits poissons et grosses grenouilles. Le « sagou » et les fruits sont  des éléments importants de leur alimentation. Le sagou est une sorte de farine qui est fabriquée avec la pulpe d’un arbre, le sagoutier. Ils élèvent parfois des porcs et des poulets. Les Mentawaï partagent la nourriture (surtout la viande mangée lors des cérémonies), et ce, en part égale entre tous les individus, même les bébés, ceci car pour eux tout le monde a la même importance. Qu’on soit enfant, vieillard, femme ou homme, on tient une place importante et on joue un rôle au sein de la famille. Lorsqu’une décision est à prendre ce n’est pas à la majorité mais à l’unanimité : tout le monde doit être d’accord ce qui donne lieu, en général le soir, à de très longues discussions.

Aujourd’hui, les Mentawaï qui accueillent des touristes de passage ont également un peu d’argent et l’utilise pour acheter des choses importantes à leur survie (moustiquaire, lampe à pétrole etc). Ils vivent ainsi en marge de la société mais pas totalement coupés du monde. C’est d’ailleurs amusant de voir un chaman vêtu de manière traditionnelle avec une montre au poignet !

Ils ne vivent pas regroupés dans un village, mais éparpillés dans la forêt dans une maison commune à une même famille : la « Uma » ; Il peut y vivre énormément de personnes  ayant le même ancêtre. Ce sont de grandes maisons sans aucun meuble ni fenêtre, juste du plancher sur pilotis. On y distingue en général trois parties. La première sert d’espace commun, pour manger, discuter, recevoir les invités. La deuxième est le coin nuit pour le chef de famille et les invités, et pour finir il y a l’endroit pour les femmes et les enfants. Les murs sont décorés de fleurs séchées, d’oiseaux en bois (les « jouets de l’esprit »), et de cranes d’animaux. Les fleurs et les oiseaux sont pour remercier l’âme des arbres et les cranes sont ceux d’ animaux ramenés de la chasse. Ils gardent tous les cranes qui représentent l’esprit des animaux tués qu’ils « remercient » également.

Il n’y a pas de chef mais un « chaman » qui fait office de guide et qui pratique les cérémonies. C’est lui qui a le don d’entrer en contact direct avec les esprits et l’âme des êtres, et éventuellement de les guérir.

 Le tatouage est une coutume importante ; Les Mentawai sont sans doute le premier peuple sur terre à le pratiquer. Une de ses fonctions est d’empêcher leur âme de quitter leur corps. Ils se parent de tatouages, de fleurs et de bijoux pour être beaux et que leur âme ait « envie » de rester dans leur corps. La beauté est une chose primordiale chez ceux, ainsi on les a logiquement surnommés les « Hommes-Fleurs ». Le tatouage marque également l’appartenance à un clan ou à une famille par le dessin d’un symbole particulier. Pour finir ils remplacent en quelque sorte les vêtements et ont un rôle de protection. Plusieurs Mentawaï nous ont également dit que c’était un signe de richesse… Se faire tatouer couterait cher…

Vous l’aurez compris pour ces hommes la Nature et l’âme de toute chose ou être vivant est au centre de leur manière de vivre. Dans cette logique lorsqu’on prend quelque chose il faut le rendre d’une autre façon afin de maintenir un équilibre. Par exemple si un arbre est abattu il faudra en planter un autre. A l’heure où on nous parle d’écologie, d’égocentrisme et de planète en danger on ne peux que trouver cet état d’esprit exemplaire !

Malheureusement ce peuples Mentawai est en danger au même titre que la planète (et comme la plupart des ethnies vivant en marge de la société). On compte environ 30 000 individus mais seulement un millier vit encore dans la forêt. Dans les années 50 le gouvernement qui souhaitait « amener les indigènes sur la voie du progrès » les a contraints à quitter leur milieu naturel. Ils ont dû abandonner leur mode de vie, leur culture, leurs traditions, se couper les cheveux, ne plus se tatouer, changer de religion etc. Leurs maisons ont été brulées. Depuis la démission de Soeharto en 1998, certains Mentawaï sont retournés dans la forêt, mais malheureusement ils sont peu nombreux car la plupart d’entre eux ne sait plus y vivre, ils ont perdu leur identité… Le gouvernement offre une maison et de l’argent à ceux qui se décident à « revenir à la civilisation ». Certains se laissent attirer, mais dès qu’ils ont dépensé cette maigre « subvention »  ils se rendent compte qu’ils sont pauvres, qu’ils ont perdu leur mode de vie, et ils se retrouvent désœuvrés.

Certaines familles résistent encore, et continuent de vivre dans la jungle , mais sous les pressions, combien de temps pourront-elles encore rester ?

La famille de Tuka le Chaman qui nous a accueilli dans sa Uma familiale fait partie de celles là et leur histoire (raconté par notre guide) nous a beaucoup touchés :

Tous ceux qui vivent comme cette famille dans la forêt sont en quelque sorte des résistants. Le gouvernement veut encore aujourd’hui les contraindre à quitter la jungle et à « rentrer dans le rang ». A vivre au village et à travailler, à avoir une religion reconnue par l’état (l’animisme n’est pas reconnu car ils n’ont pas de Dieu, ils croient aux esprits), à envoyer les enfants à l’école, bref à perdre le mode de vie qui fait leur identité. Tout ça sous prétexte que ce serait meilleur pour eux.

Quand je dis que Tuka est un résistant c’est qu’il est réellement obligé de résister aux pressions du gouvernement qui envoi des missionnaires ou des agents pour vérifier si oui ou non ils ont choisi une religion, et quand est ce qu’ils vont déménager. Tuka, sa famille et tous les autres  sont obligés de mentir. Ils font croire aux autorités qu’ils ont une religion. Sans cela ils pourraient avoir de sérieux problèmes… Ils laissent également penser qu’ils vont aller vivre dans un village. Tuka a même commencé à construire une autre maison. Mais il ne compte pas y aller et il dit même que tant qu’il sera vivant il ne veut pas que ses fils quittent la jungle. Mais il est également conscient qu’il ne sait pas de quoi demain sera fait et qu’il ne pourra pas faire grand-chose de plus… Si ça se trouve ses fils en grandissant voudront d’eux même aller vers le monde « moderne » qui en attire tant d’autres. Le gouvernement sait y faire pour les attirer. Il leur offre une maison gratuite, de l’électricité, des commodités qui leur donnent l’impression que leur vie va changer en bien. Certains sont contents comme ça, mais beaucoup regrettent d’être partis… Parfois ils gardent une maison dans la jungle, sorte de résidence secondaire où ils élèvent des animaux et vont parfois y dormir une nuit ou deux.

D’après notre guide les Mentawai « traditionnels » n’existeront plus bientôt. Peut-être dans 10 ans… mais peut-être dans 5. C’est vraiment triste ! Il n’y a aujourd’hui plus qu’une centaine de familles  qui continue à vivre de manière traditionnelle.

Un autre problème important est la déforestation. On fait miroiter de l’argent aux gens des villages qui s’empressent de vendre des terres (pour une bouchée de pain) qui sont ensuite dévastées afin de récupérer du bois. En plus d’un patrimoine naturel qui disparaît c’est le garde-manger des Mentawai qui s’envole…

Ce peuple a une culture qui est basée sur le respect de la nature. On peut ainsi comprendre leur désarroi lorsqu’ils se rendent compte que l’homme détruit la forêt ! Pour eux la jungle est un être vivant, et si on  touche à l’environnement il faut rendre quelque chose. Si on coupe un arbre on en replante un. Lorsque ils construisent une maison, ils doivent abattre plusieurs arbres ; Une cérémonie est faite en l’honneur de ces êtres vivants afin de les remercier de leur donner un abri, et la maison est décorée de fleurs et de jouets de bois de façon à ce que l’âme des arbres puisse se sentir chez elle. Joli non ?

J’avais lu quelque part des personnes qui disaient qu’aller les voir c’était comme aller au zoo, que c’était malsain. Je n’ai vraiment pas eu cette impression-là !

Il faut avoir à l’esprit qu’en tant que touristes visiteurs,  nous jouons un petit rôle dans la vie de ces « derniers » Mentawai. Tout d’abord nous apportons un peu d’argent à ces familles qui résistent  (mais qui ont malgré tout besoin d’acheter certaines choses comme des moustiquaires ou des machettes). Mais surtout je pense que l’intérêt que nous leur témoignons les met en valeur et leur permet de garder à l’esprit que leur culture est précieuse et intéresse le monde.

Si vous aussi vous rêvez d’aller faire connaissance avec ce peuple fascinant gardez tout de même en tête que ce n’est pas une sinécure; Le chemin est très long pour arriver dans une famille, c’est très fatiguant, cela peut-être dangereux, le moindre confort est totalement inexistant, c’est sale et vous perdrez tous vos repères. Il faut accepter de s’intégrer totalement, d’avoir un regard neuf, d’oublier tout ce que l’on sait et ce que l’on croit et adopter leur vision des choses. Venir en simple visiteur et penser que ce sont des « vacances sensations fortes marrantes » est utopique, voire dangereux et surtout extrêmement dégradant pour eux. Dangereux pour vous car vous pourriez être déçus voire choqués par certaines choses, mais aussi pour eux car ce ne sont pas des bêtes de foire qu’on vient observer et à qui on fait l’aumône en distribuant argent et « savoir » venu du monde « civilisé ». Il faut par ailleurs avoir du temps à partager avec eux car c’est un peuple qui nécessite qu’on l’apprivoise et qu’on le comprenne, ce qui même avec la meilleure des volonté peut demander du temps, beaucoup de temps…

Si j’ajoute cette parenthèse c’est car je sais que les voyageurs sont nombreux à vouloir tenter l’aventure, mais pas tout le temps avec le bon état d’esprit et dans de bonnes conditions. Par exemple venir à plus de 4 personnes est un grosse erreur à mon sens : comment s’intégrer et être immergés ainsi?  Également il faut prêtez une grande attention au choix du guide car certains ne pensent qu’à l’argent qu’ils vont gagner au détriment du respect du peuple (et du votre!)… Bien sûr je vous conseille à 100% de faire appel à Sarhul (Contact rubrique « partner »)

Un séjour chez les Mentawai  peut-être une merveilleuse expérience qui vous marquera à vie de façon positive, mais cela peut-être également très facilement un désastre si c’est mal préparé ou fait avec des attentes « décalées » par rapport à la réalité.

A travers mon reportage photographique je souhaite amener ici un peu de la-bas et vous faire partager ces émotions fugaces qui nous ont parcouru, eux et moi.

Au delà des mots que nous n’avons pas pu échanger faute de langue commune, nous avons tout de même tissé un lien invisible entre nos cœurs, par des regards, des sourires , des gestes et des instants uniques partagés…

Je savais que ce séjour parmi eux serait fascinant… Et je ne me suis pas trompée… Preuve en est: nous y sommes retournés trois fois ensuite!

 

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