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Excursion en Terre inconnue 2: Chez les Mentawaï

Excursion en terre inconnue  2, chez les Mentawaï

Avant de lire cette page et si vous ne nous aviez pas suivis l’année dernière je vous invite à lire le récit de notre premier séjour chez eux (avec les infos pratiques).

*LE CONTACT pour organiser votre séjour : Sarhul, guide Mentawaï est plus qu’un guide pour nous.

Si vous souhaitez économiser  et vous débrouiller pour organiser votre excursion, vous pouvez aller sur Siberut par vous même en bateau depuis le port de Padang puis retrouver le guide là-bas, mais il n’est pas simple de s’y retrouver face à toutes les sollicitations!

L’idéal est d’appeler (ou d’envoyer un sms) à Sarhul en amont  pour voir s’il est dispo:  (+62)813 7226 5185 , vous pouvez le trouver sur FB messenger également « Ere Sakaliou Mentawai »

Mars 2019, je publie le livre de récits de voyage, photographies et conseils pratique « Et si c’était possible… ». Un chapitre a lieu chez les Mentawaï pour une nuit de magie!

photo mentawai copie

L’année dernière nous étions enchantés de notre séjour chez les « Hommes fleurs », cette année nous pouvons dire que ce fut à nouveau extra-ordinaire et que nous sommes comblés !

Cette semaine passée avec eux nous a transporté dans un autre monde et fait perdre toute notion de temps. Nous avons vécu une totale immersion en oubliant le monde « réel ». Cette semaine fut intense et nous avons l’impression d’être restés bien plus longtemps…

Forcément l’année dernière nous avions été marqués par cette première découverte mais nous savions également que nous étions restés « en surface » et qu’il fallait y retourner afin de tisser de vrais liens avec eux. Les Mentawai sont des gens généreux et accueillants pour la plupart, mais il est utopique de penser qu’il suffit de pointer le bout de son nez pour être « adopté ». La première année nous avions échangé et partagé mais il y avait une pointe de retenue de part et d’autre. Nous n’osions peut-être pas aller vers eux comme nous l’aurions souhaité sûrement par pudeur et par crainte d’être trop intrusifs. De leur côté ils nous observaient certainement pour savoir qu’elles étaient nos motivations à être là (et en deux jours c’est court pour ce faire une idée). Cette année, le fait de revenir les voir nous a ouvert une porte car ils ont pu constater que notre visite n’était pas superficielle et que nous étions vraiment prêts à partager.

J’ai compris beaucoup de choses  entre le premier et le second séjour. La façon de vivre de ce peuple est basée sur la notion de partage et d’implication de chacun dans la vie de la communauté. J’ai lu que certains ont pu s’offenser du fait qu’ils sont très demandeurs de cadeaux, notamment de cigarettes. Certes, chez nous c’est une chose qui ne se fait pas de demander, mais ici c’est habituel (même entre eux). Ces personnes nous accueillent chez elles, et même si elles en retirent un petit avantage financier cela ne suffit pas pour que nous soyons d’emblée acceptés. Il faut également, en tant que visiteur donner de soi et des cadeaux!

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La veille de notre départ nous n’avions toujours pas vraiment décidé dans quelle famille nous souhaitions aller. Ca m’a presque empêché de dormir ! Le matin nous avons bien discuté avec Antony, puis nous sommes tombés d’accord sur le fait que revenir sans retourner à Buttui voir la famille de Tuka serait vraiment bête et que nous allions donc le privilégier en restant 4 ou 5 nuits chez lui. Puis, si c’est possible nous essayerons d’aller dans une autre famille 2 ou 3nuits. Celle de Cookie serait idéale (c’est lui qui a été filmé pour l’émission « faut pas rêver » et j’ai beaucoup entendu parler de ce vieillard blagueur), mais tout dépend combien de temps il faut pour aller d’une maison à l’autre, car faire 7 ou 8 H de marche à travers jungle ne nous tente pas forcément…

Finalement, Sarhul, notre guide qui est venu directement nous chercher à l’hôtel à Padang et qui a tout prévu pour nous, nous apprend que oui il est possible de faire ces deux familles! Genial nous sommes aux anges ! Il nous faudra faire 2H de marche puis 2 ou 3 de pirogue, rien d’insurmontable.

Petite parenthèse pour dire que nous avons tout de suite donné à Sarhul les chaussures amphibies que nous lui avons achetées . Il était tout content et les a enfilées immédiatement. Par contre il ne les a pas emportées dans la jungle ! Je lui ai demandé pourquoi et il m’a répondu qu’il voulait qu’elles restent propres et ainsi les garder plusieurs années ! Un comble quand on lui a porté ces chaussures justement pour marcher dans la boue ! Nous avons vraiment apprécié la présence de Sarhul, il nous a d’ailleurs dit avant de nous quitter qu’il se sentait avec nous comme en famille… Une belle rencontre de plus…

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Le voyage depuis Padang fut bien moins difficile que l’année dernière car j’avais fait en sorte que notre départ ait lieu le jour où le bateau le plus confortable navigue. Il s’agit du « Gambolo » et si vous devez partir pour Siberut je vous le recommande (le « Ambu-Ambu est correct aussi mais il y a moins d’endroits pour être allongé, et celui en bois est le pire!) . Nous étions dans la salle « vip » pour une somme modique. Bon… vip, ne nous emballons pas ! Il s’agit d’une sorte de dortoir dans une salle climatisée. En réalité les clims ont beaucoup de mal et il doit faire plus de 30° (mais contre autour de 40 dans les autres salles c’est pas mal!) quant aux couchettes on y rentre tout juste (enfin..pas Antony) et l’espèce d’ imitation cuir est complètement écaillée. Nous avons pu dormir 4 ou 5 heures et c’est vraiment pas mal par rapport à 0 l’année dernière (vous vous souvenez du bateau en bois tout pourri et plein de rats?).


Dès l’arrivée au port Muara Siberut je suis replongée dans l’ambiance. Sitôt arrivés nous sommes chargés sur trois scooters et partons vers la maison de la soeur de Sarhul.

Il est 6h du matin, l’air frais fouette mon visage, le scooter roule sur le chemin qui traverse le village et là je suis saisie par l’émotion, ma gorge se serre… C’est tellement paisible, un peu de brume se dissipe, les enfants courent en criant dans les rues et font coucou, les adultes apparaissent ici et là une machette à la main ou en train d’étendre le linge. Les odeurs et les images sont autant de madeleines qui me font réaliser où je suis… ça y est, j’en ai tellement rêvé de ce retour à Siberut !

Arrivés chez la sœur de Sarhul c’est encore plus flagrant. Cette femme au beau visage qui nous avait marqué par sa douceur nous accueille à bras ouverts et nous mime à quel point elle est contente que nous soyons revenus en désignant les colliers que nous portions autour du cou et que nous avions reçus l’année dernière. Nous passons quelques heures chez elle le temps que Sarhul puisse avoir nos autorisations de séjour sur Siberut et fasse les courses pour la semaine. Nous avons ainsi le temps de nous laver et de nous restaurer avant de partir.


Nous partons vers 10H30 pour le même trajet que l’année dernière : 3H de pirogue puis 2H de marche (le tout en partie sous un soleil brûlant et sous une pluie battante !). Pour Seb qui nous accompagne cette année, c’est le début de l’immersion : il avait vu les photos, les films et nous lui avions expliqué mais il ne s’imaginait pas que ce serait comme ça ! Je crois que ce qui l’a le plus surpris c’est la boue ! Au moment où nous avons quitté le chemin en béton qui relie les villages entre eux pour attaquer la partie « «jungle » il est resté bouche bée : « heu…. en fait ça va être comme ça tout le long ? » «  hahaha oui ! »  De la boue jusqu’aux chevilles au mieux, ou jusqu’au genoux au pire ! Nous sommes arrivés dans un état lamentable : trempés de sueur avec les vêtements qui nous collent au corps et les jambes couvertes de boue, mais tellement heureux:-)

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La boue a été omniprésente durant notre séjour. Dès qu’on pose un pieds en dehors de la maison on est dans la boue. Ce n’est pas en soi très gênant lorsqu’on a les chaussures pour, par contre ça l’est plus lorsqu’on est « propre » ou qu’il fait nuit et qu’on a envie d’aller au petit coin (= dans la forêt, ou dans la rivière). Dans ces moments là, glisser ses pieds dans des chaussures trempées et toutes crottées est vraiment désagréable !

Chaque jours nous avons fait environ 3H de « balade  en forêt». Alors quand je dis « balade » je pourrais dire, que nous avons glissé, pataugé, luté, fait les équilibristes, bref galéré à chaque seconde. En effet il n’y a pas un mètre carré de sec. En gros, soit on a de la boue au moins jusqu’aux chevilles, on glisse, on dérape, on se rattrape parfois là o on on ne devrait pas (certaines branches ont des piquants!!) soit on est en équilibre sur des rondins, et là aussi, on glisse ! Floc floc floc ! Pour nous c’est la galère, mais alors pour eux c’est une partie de rigolage ! Ils sont là, à marcher tout à fait normalement alors qu’ils sont pieds nus. Tels des Jesus Christ marchants sur l’eau ils se déplacent avec légèreté et sans s’enfoncer, avec un équilibre parfait, pratiquement sans se salir ni transpirer. Nous, nous sommes derrière eux en train de galoper, hors d’haleine, dégoulinants de sueur et couverts de boue jusqu’à la casquette !

Il y a des broussailles partout, on dirait que je me suis tailladé les tibias avec un cuter, mais eux, rien ! C’est vraiment comique ! Ha j’oubliais : les sangsues ne vont pas sur eux non plus, elles nous préfèrent !! Seb et moi avons fait l’expérience de leur morsure ; bon ça ne fait pas très mal mais imaginez : vous sentez comme une une petite piqûre, sur votre jambe par exemple. Par réflexe vous portez la main, et là vous tombez sur une espèce de mini limace qui se dandine est qui est fermement accrochée à votre peau. Vous réussissez à l’arracher et là elle reste accrochée à votre main que vous n’arrêtez pas de secouer, bref un vrai sketch ! Seb en a eu plusieurs sur ses jambes et moi figurez vous que deux fois ces bestioles se sont glissées jusqu’à tout en haut de ma cuisse sous mon bermuda ! Une bonne partie de rire, parce qu’en 3 secondes j’avais le pantalon sur les chevilles! En pleine jungle imaginez le tableau !


Nous voilà donc dans la jungle en direction de la Uma de Tuka ; avant de vous décrire notre arrivée dans la famille je fais un petit retour en arrière pour vous raconter un moment important pour nous car il donnera le ton de notre voyage ;

Après la partie pirogue nous avons marché à travers un village et y avons comme toujours croisé beaucoup de monde et distribué beaucoup de « Aloita » (bonjour Mentawai). A un moment nous passons devant une maison où trois hommes sont assis en contrebas à 30m de nous. Nous lançons donc un « Aloita » et continuons à marcher. Les hommes nous répondent et je vois l’un deux nous faire un énorme sourire et nous regarder avec un intérêt encore plus marqué que les autres. A ce moment là il me semble reconnaître le premier Mentawai en tenue traditionnelle que nous avions croisés l’année dernière dans la forêt et que nous avions parfois revu chez Tuka sans toutefois avoir réellement été en contact avec lui.  Nous lui avions trouvé un charisme tout particulier et son visage carré et charmant nous avait marqué. Antony me dit avoir lui aussi l’impression de le reconnaître mais nous ne sommes pas sûrs. Bref nous continuons notre chemin. Quelques minutes plus tard, alors que nous faisons une pause pic-nic chez Sarhul, cet homme débarque et nous attrape chaleureusement en  désignant nos colliers Mentawai et en nous disant « last year  Buttui». Visiblement il connaît plusieurs mots d’anglais, nous réussissons à échanger quelques phrases et il nous apprend qu’il s’appelle Salomon et que Cookie est son frère. Nous sommes assez stupéfaits de voir le comportement aussi avenant de cet homme, alors que l’année dernière à part nous dire vaguement bonjour, il était resté à l’écart. A partir de là, nous avons compris que notre deuxième séjour ici serait vraiment différent.


Revenons à notre arrivée dans la Uma (maison familiale)  ; Nous étions inquiets de savoir si Tuka et les siens allaient nous reconnaître et surtout si ils allaient être contents de nous revoir (vraiment content et pas juste « contents sans plus »).

Lorsque nous arrivons, Baimanja, la femme de Tuka est là avec un bébé au bras (que je ne reconnais pas tout de suite mais qui est le fameux bébé avec qui j’ai tant joué!) Elle nous dit bonjour, (je ne sais même plus si nous lui avons demandé si elle nous reconnaissait) puis Tuka arrive. Il nous serre la main, nous regarde… rien de spécial ne se passe… Sarhul lui parle et lui demande s’il nous reconnaît. « Ta », non. Il lui dit que nous sommes venus l’année dernière, les yeux de Tuka passent d’un à l’autre mais c’est toujours « ta». Puis Sarhul désigne le tatouage sur le mollet d’Antony espérant que peut être il se souvienne de ça. En même temps tellement de personnes sont tatouées maintenant que ce n’est pas gagné ! Sauf que… moi, j’ai un tatouage assez peu commun pour une femme et je me souviens qu’ils y avaient tous porté un certain intérêt. Je soulève donc mon tee-shirt et dévoile les motifs qui font le tous de ma taille…  Là Tuka ouvre grand ses yeux ! Ca y est ! « Ooooooh ! » Il nous attrape dans ses bras et rit, il se souvient et il est content ! Oufff ! On a eu chaud !

Après toutes ces émotions nous nous apercevons que la nuit est en train de tomber, et nous ne pensons qu’à une chose : nous laver !! Haaaaa ! Les « douches » dans la rivière, quel plaisir…. Il pleut et l’eau n’est pas très claire mais ce n’est pas grave ! Alors que nous sommes tous les trois en sous-vêtements en train de nous ébrouer voilà que la Mama apparaît sortant de la forêt. Elle vient vers nous, nous souri très chaleureusement et bien sûr nous tend immédiatement un fruit à manger ! Ahlàlà elle n’a pas changé ! Elle nous regarde et nous fait même une sorte de bisou sur le bras (ils ne savant pas trop faire les bisous!), elle a l’air contente mais nous ne sommes pas sûr qu’elle nous reconnaisse. Plus tard je demande à Sarhul de lui poser la question. Elle se tourne vers moi, plonge ses yeux dans les miens, fait un signe qui veut dire « avant » , puis passant ses doigts sur son visage me mimant « pleurer ». Là nous éclatons toutes les deux de rire : oui c’est ça c’est bien moi qui pleurait l’année dernière en partant !! Comme quoi ça l’a marquée !

Voilà en gros les événements qui ont succédé à notre arrivée. Ensuite la nuit est vite tombée et nous avons découvert que Tuka n’a plus sa lampe à pétrole et que cette maison de près de 200m2 est éclairée par deux bougies ! Ca n’a pas l’air de les déranger, ils se déplacent tous avec la même agilité sur le planché pourtant irrégulier et semé d’embûches ! Les enfants courent même !


La première soirée fut chaleureuse, tous assis par terre à la lueur des bougies. Antony et moi étions ravis qu’ils aient plaisir à nous revoir, et Seb s’est tout de suite intégré leur parlant en Français aussi normalement qu’eux nous parlent en Mentawai (quels dialogues de sourds!) ! . Mama a tout de suite dit que nous devions rester au moins 5 nuits cette fois. Nous avons dit ok, comme ça le planning est fait et on ne se prend plus la tête à réfléchir ! La dizaine de mots en Mentawai appris l’année dernière, plus ceux en Bahassa indonésien que nous connaissons maintenant nous ont aidés à communiquer. En effet eux aussi connaissent un peu l’indonésien et même quatre ou cinq mots d’anglais. Durant ce séjour nous avons pu enrichir notre vocabulaire d’une trentaine de mots  Mentawai, ce qui fait que nous pouvons maintenant nous exprimer. Je ne dirais pas que nous « parlons », mais nous savons dire des choses basiques comme « moi », « toi », « il pleut » « on va manger » « on va dormir » « c’est bon » « je suis fatigué » « viens » « chante », les différents animaux etc etc Moi qui ai toujours aimé apprendre les langues j’ai adoré ! Seb et Antony également. Seb a d’ailleurs pris pour habitude de répéter tout ce qu’ils disaient et tout le monde riait beaucoup !

Petite anecdote bien marrante à ce sujet : Il y avait une phrase en particulier que quelqu’un a dit un jour et qui a provoqué des rires. Ca a bien plu à Seb, il le répétait, et tout le monde se marrait. On ne savait pas ce que ça voulait dire mais bon, visiblement en général ils ne nous apprenaient pas de bêtise donc ça a continué plusieurs jours comme ça et Seb ravi d’avoir appris quelques mots n’arrêtait pas de dire ceux là en particulier « dat bat julu » à toutes les personnes qu’il croisait tout au long de la journée et tout le monde éclatait de rire. Finalement j’ai fini par demander ce que ça voulait dire. En gros pour le dire comme on me l’a dit en anglais cela veut dire  « les boules qui sortent » !! Dis comme ça, ça n’a l’air de rien, mais cette phrase prenait tout son sens lorsque Seb était vêtu du kabit traditionnel, soit cette sorte de string en écorce d’arbre ! « dat bat julu » ! Crier à tout le monde qu’on a les « boules qui sortent » effectivement il y a de quoi rire !

Revenons en à nos moutons, à savoir nos journées et soirées passées dans la famille de Tuka. En gros pas grand chose n’a changé chez eux depuis l’année dernière, je crois qu’il y a pas mal de poules en plus , ce qui fait que nous avons donc pu manger un peu de poulet (pas beaucoup car un poulet partagé en 10 ou 15….!) ; il y a toujours sa sœur Kakui et le bébé a bien grandit ! Il doit avoir un an et demi, il répète tout ce qu’on dit, refait tout ce qu’on fait et joue inlassablement avec sa mini machette (si je vous jure ! Une vrai machette ! Certes qui n’est pas vraiment tranchante mais qui est en bois et en fer) Sur les trois garçons présents à l’époque (les deux frères et le cousin) il ne reste plus que Sigi le plus jeune fils de Tuka. Son frère est parti chez son oncle pour pouvoir aller à l’école et le cousin rentré chez ses parents. Il y avait par contre une petite fille d’environ 10 ans, une nièce, qui visiblement restait là. Nous avons pu voir durant ce séjour que les enfants sont souvent « échangés » et passent de maisons en maisons dans la même famille pouvant être ainsi élevés pendant quelques temps par un grand parent ou un oncle. Une autre chose que nous avions remarqué l’année dernière mais qui a été encore plus frappant cette fois c’est le nombre de vas et vient de visiteurs qu’il peut y avoir. Au début nous ne comprenions pas très bien, puis finalement c’est assez simple. Chaque maison est  « ouverte» (au sens propre, puisqu’il n’y a pas de porte fermée, comme au figuré). Toute la journée et même quand il fait nuit il y a des gens de passage qui entrent dans la maison, s’assoient, discutent, éventuellement mangent quelques fruits, puis repartent. Bien souvent tout cela se fait sans tambour ni trompette et même sans dire bonjour ni au revoir. Il suffisait que nous nous absentions 5mn pour aller aux toilettes pour que les personnes ne soient plus les mêmes à notre retour ! Déroutant parfois… surtout quand on sait qu’on est au milieu de la jungle et que la première maison est à 20mn à pied ! Imaginez vous ceux qui venaient passer la soirée avec nous et repartaient ensuite dans la nuit pour rentrer chez eux ! Insensé pour nous ! Mais cela nous a permis de rencontrer au moins une cinquantaine de personnes dans la semaine, entre ceux qui venaient chez Tuka et ceux chez qui nous sommes allés. Nous connaissons ainsi toutes les sœurs de Tuka et son frère qui est d’ailleurs venu passer deux jours avec quelques uns de ces 5 enfants. Des beautés ces petits! Nous avons flashé sur  un petit garçon de 2 ou 3 ans bien dodu qui n’arrêtait pas de sourire (et de manger!) et sa petite sœur de quelques mois qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Un petit truc marrant : les parents habillent les enfants avec ce qu’ils ont sous la main et indifféremment qu’ils soient fille ou garçon ! Par exemple ce charmant bambin portait à un moment une robe de petite fille, par ailleurs trop petite et bien tendue sur son ventre plutôt proéminent ! On aurait pu croire que c’était une fille jusqu’au moment où ils s’assoie ou soulève la robe, et … ha ben non… c’est un garçon (les enfants en général sont toujours cul nu, ce qui facilite la découverte), comique !


Nous avons ainsi peu à peu appris sur leur façon de vivre et compris beaucoup de choses. Par exemple nous étions perplexes sur la façon dont se déroulent les repas. L’année dernière déjà, comme je vous l’avais dit, nous ne partagions pas les repas avec la famille. J’avais tenté de demander à Sarhul pourquoi mais je n’avais pas vraiment eu de réponse, juste une sorte de « c’est comme ça ». Les deux jours étaient passés très vite et nous avions pu voir qu’ils mangeaient souvent à n’importe quel moment et en deux minutes , et avions accepté les choses comme ça même si ça nous semblait bizarre d’être chez eux sans manger avec eux. Cette année nous étions bien décidé à partager nos repas ensemble ! Nous avons à nouveau tenté de demander, mais Sarhul nous a encore dit non en ajoutant cette fois qu’ils « mangent en famille ». Cette situation était assez inconfortable pour nous, car nous nous sentions à l’écart en train de manger « notre nourriture » et eux la leur. Puis un jour, nous avons compris ! Nous étions de passage chez la sœur de Tuka. Il y avait donc son mari et ses enfants, nous et d’autres personnes (ne me demandez pas qui, car il y a eu un tel défilé que je ne saurais vous dire!). Vient le moment de manger. Ils sortent des grands plats, et là on se dit « chouette pour une fois on va tous manger ensemble puisqu’on est invités » ! Eh ben non ! Dans la pièce qui devait faire 50m2 trois grands plats ont été disposés par terre, à distance les uns des autres et nous avons donc été divisés en trois groupes. Nous, la famille de la sœur, et une autre. Nous commencions donc à voir que c’était habituel chez eux. Puis tout s’est éclairé le jour où le frère de Tuka était de passage chez lui , et idem le soir, chacun son plat, chacun son groupe. J’ai alors compris là ce que voulait dire Sarhul par « manger en famille ». Quel que soit le nombre de personnes, s’il y a des invités, que ce soit des amis ou des parents, chacun mange en se regroupant autour d’un plat avec sa famille, c’est à dire la famille au 1er degrés, celle avec qui ils vivent. Eh ben ! On a fini par comprendre !

Nous avons donc vécu ces 5 jours à suivre le quotidien de la famille, avec des « activités » prévues spécialement pour nous comme la confection du « baiko » (string en écorce) de Seb (Antony avait apporté le sien), démonstration de la fabrication du poison pour chasser ou la pêche (dont je me serais bien passée car à nouveau je me suis faite dévorer par les moustiques, j’ai les jambes couvertes de boutons et les démangeaisons sont horribles!) etc Pour le reste cela s’est fait au grès des occupations de la famille. Par exemple nous allions chercher des fruits dans la forêt, nous les observions tisser des filets, nous sommes également allés déguster des vers « Tamara » en pleine forêt. Cette fois Antony a goûté et Seb également. Passé l’aspect repoussant du gros vers qui se dandine ils ont eu le même verdict que moi : finalement c’est pas mauvais du tout ! Comme un goût de coco pas déplaisant.


Nous avions amené pas mal de petits cadeaux ou de choses à faire avec eux, que nous avons essayé de distribuer au fur et à mesure pour toujours avoir quelque chose « sous le coude ». En effet il faut savoir que lorsque vous offrez quelque chose leur visage s’illumine et quel que soit leur âge, ils ouvrent très grand leurs yeux et tendent leurs mains vers vous en faisant signe de donner (comme si vous alliez changer d’avis au dernier moment!). Ils ressemblent à des enfants qui vont sauter en l’air tous fiers de ce qu’on leur a offert! En général, deux minutes après ils vous en demandent plus ! Vous donnez le doigt on vous demande le bras, c’est comme ça ! Nous avons donc distillé chaque jour un petit quelque chose.

Sarhul avait prévu les cigarettes qui sont le cadeau incontournable. Visiblement il a donné 15 paquets + du tabac à rouler qui sont partis en trois jours !! Plus les 4 ou 5 boites de cigarillos (merci Cecilia et Christophe de nous les avoir données, ça a bien plu!) c’est impressionnant !

Nous avions un flacon pour faire des bulles de savon : chez nous au bout de dix minute le flacon est renversé et l’enfant pleure ; là le gamin fait des bulles perché sur sur le bout d’une branche et le lendemain il y en a encore !

Nous avions des élastiques pour faire des bracelets : dans les villages ils connaissent déjà ; là ça a autant plut aux adultes qu’aux enfants !

J’avais amené du vernis à ongle rouge en me disant que ça leur plairait certainement. Bien vu ! J’ai eu un défilé de femmes et d’enfants qui qui venaient me voir en me montrant leurs ongles. Évidement une fois sur deux on me demandait de donner le flacon ! J’ai fini par le laisser le dernier jour à la mama contre un bisou.

Nous avions également des craies, des élastiques, des savons etc En parlant de savons j’ai été surprise un jour où les femmes étaient en train de laver leur linge à la rivière. Je suis allée leur proposer un savon de Marseille et leur ai fait comprendre que je leur donnais. Elles étaient toutes contentes et aussitôt elles m’ont dit « shampoo » et Kakui m’a montré les cheveux de la Mama. Je suis allé leur chercher des doses de savon pour bébé (je n’avais pas emporté de shampoing vu qu’on se lave les cheveux avec le « savon magique ») et je leur ai fait un shampoing.  Mama m’a même demandé de lui savonner le dos. Comme quoi, s’ils ne se lavent pas ou très peu c’est par manque de moyen…


Je ne vais pas vous raconter tous le reste dans les moindres détails car beaucoup de choses seraient trop similaires avec l’année dernière (et aussi parce que j’en aurais pour des jours et des jours à écrire!). Je vais plutôt poursuivre en vous racontant quelques moments qui sortent de l’ordinaire du quotidien des autres jours (si on peut qualifier quoi que ce soit d’ordinaire dans ce séjour!!)

« Le cochon que nous aurions pu manger »

Un soir nous avons une idée (sûrement lassés de manger du riz et des nouilles!) : pourquoi ne pas acheter un cochon et le partager avec la famille ! Nous demandons à Sarhul s’il est facile d’en trouver un et il nous dit que oui, une famille en a « par là bas » et ça coûte environ 15-20€. Ok cool ! Rien qu’à l’idée nous salivons !

Le lendemain matin nous nous levons et il nous dit que Tuka est déjà parti car il faut « trouver » un cochon (ils sont en libertés et ne viennent que pour manger). Nous devons le rejoindre. Nous voilà partis vers 8H et sous la pluie en quête de notre repas du soir. 2H45 de « marche » plus tard (particulièrement semée d’embûche ! Avec troncs d’arbres qui risque de craquer à notre passage !) nous arrivons chez une des sœur de Tuka. On nous dit alors que les cochons ne sont pas encore là et qu’il va falloir attendre jusqu’à 2 ou 3H de l’après midi qu’ils rentrent. Il nous demande si nous voulons attendre car il n’a pas prévu de repas. Bon… maintenant qu’on a fait presque 3H de marche et qu’on est crevés on ne va pas repartir !! Nous avons donc passé 4h dans cette maison à aller chercher des fruits (nous avons mangé des quantité industrielles de « ramboutan » et de « ciamon » durant ces quelques jours car toutes les heures quelqu’un revient de la forêt avec un panier plein!) et à jouer avec les enfants (une petites filles douce et adorable et deux garçons dont un n’est autre qu ‘Harris le cousin qui était chez Tuka l’année dernière). Mais bon…. c’est un peu long !! Nous nous impatientons quand même, surtout que des cochons venaient mais ce n’était jamais « le notre ». Comme nous n’avions rien porté à manger le papa a décidé de tuer un poulet (ça tombait bien parce que perso j’avais les crocs après toute cette marche!). Nous avons donc partagé un repas de sagou et de poulet bouilli (sympa mais toujours 1 pour 15 personnes, donc à par sucer des os…….) Il a pas mal plu également et nous avons donc attendu, attendu, attendu… Vers 15H, ne voyant toujours pas « notre cochon » à l’horizon Sarhul a proposé de rentrer (n’oublions pas que nous avons quasi 3H pour rentrer avant la nuit) et de laisser Tuka et Oggey (notre second accompagnateur, le jeune cousin de Sarhul,et fils de Salomon, un garçon vraiment sympa) attendre le cochon. Sarhul est quand même ennuyé à cause de la pluie qui est tombée entre temps car le niveau de la rivière est beaucoup monté et nous l’avions traversée à plusieurs reprise (à l’aller de l’eau sous les genoux, au retour sous la taille!). Il nous demande « c’est pas grave si on se mouille ? » Bah franchement, au point où on en est c’est pas ça qui va nous arrêter ! On est en permanence sales et mouillés du matin au soir et du soir au matin !! Comme prévu le retour fut un peu plus laborieux que l’aller, mais nous avons bien rigolé ! De belles glissades et figures acrobatiques étaient au rendez-vous !

Nous arrivons à la maison complètement crevés, et là, qui on voit ? Tuka !! Mais comment #@§$… ??? Alors en fait, chez sa sœur ils ont décrété que « le » cochon ne viendrait pas et que c’était inutile d’attendre. Tuka a du prendre un raccourci parce qu’on ne l’a pas vu et qu’il est arrivé avant nous !! Bref, nous ne saurons jamais vraiment pourquoi on ne nous a pas donné un cochon… Comme beaucoup de choses ici : il ne faut pas chercher à comprendre ! Nous aurons donc passé à journée entière à la recherche de l’animal pour rien !! Rhhggg ! Voilà ce que c’est la vie dans la forêt ! Rien n’est jamais sûr, rien n’est jamais facile ! Quand on pense que nous, on a parfois la flemme d’aller au supermarché à 5mn de voiture, ça laisse songeur….


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« Coup de coeur pour Fazri »

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Fazri est un petit garçon que nous avons rencontré pour la première fois dans la maison de Salomon (à 20mn de chez Tuka). Ce gamin de 7 ans nous a tout de suite beaucoup plu avec son sourire ravageur, sa vivacité d’esprit et son assurance de petit bonhomme. Il connaissait quelques mots d’anglais et venait toujours vers nous (c’est d’ailleurs le seul qui a accepté de me chanter une chanson pour que je le filme). Nous l’avons par la suite vu presque tous les jours chez Tuka où il venait passer quelques heures . Nous apprécions sa présence, sa joie de vivre et le fait qu’il soit toujours prêt à rendre service. Lors de notre dernière soirée, alors que nous étions tous réunis par terre autour de la bougie à chanter des chansons, il est arrivé (oui comme ça, d’un coup dans la nuit, normal quoi). Il ne s’est pas fait prier pour chanter et nous a vraiment comblé avec sa superbe voix d’enfant et ses rires. Cette soirée était vraiment géniale, certainement encore plus chargée d’émotions que d’ordinaire car c’était la dernière.

Au bout d’un moment, je ne sais plus comment s’est venu dans la conversation mais Sarhul nous a raconté l’histoire de Fazri.

Fazri, ce gamin au sourire permanent et aux yeux malicieux a perdu son père il y a 3 ou 4 ans. Il est mort seul dans la forêt d’une crise d’épilepsie. Sa mère a tout de suite trouvé un autre mari et est partie vivre loin en se souciant peu de ses 3 enfants. Fazri est resté chez son grand père qui n’est autre que Salomon. Il nous explique que cet enfant est très intelligent, qu’il a appris toutes ces chansons et à parler anglais au contact des autres enfants qui vont à l’école et qui lui « racontent » ce qu’ils ont fait dans la journée.

Car le rêve de Fazri est d’aller à l’école. Le problème est que son grand-père n’a pas d’argent… Imaginez vous, entendre cette histoire à la lueur d’une bougie avec la bouille resplendissante de ce gamin quasi orphelin en face… Ca nous a fendu le cœur, l’ambiance est devenue lourde, nous étions figés sur place. Je pense que si on nous avait dit qu’on pouvait l’adopter on l’aurait fait sur le champ !

Dans ma tête ça moulinait dur. Une fois que la boule que j’avais dans la gorge fut dissipée, j’ai demandé à Sarhul si nous pouvions faire quelque chose pour lui. Il m’a dit « Up to you… maybe… » je lui ai alors demandé combien il faudrait pour qu’il puisse aller une année à l’école. Il m’a dit autour de 600 000rp soit dans les 45€. Quelques mots échangés avec Seb et Antony et nous avons décidé de payer l’ année d’école du petit. Sarhul a traduit à Fazri. Il avait l’air ému et gêné mais son sourire déjà large s’est encore agrandit. Nous sommes allés nous coucher le cœur lourd ou léger, je ne sais plus très bien… Mais les émotions se bousculaient au portillon !

Par contre il faudrait réussir à être certains que cet argent sera bien utilisé pour Fazri… Il est humain d’avoir toujours le doute de « l’arnaque à touristes naïfs » mais j’ai envie de faire confiance à Sarhul. Nous le connaissons depuis deux ans maintenant et il semble honnête et fiable. Maintenant il faut qu’il réussisse à faire ce qu’il faut, que la famille du gamin soit ok etc etc On verra… On espère…


« Tarason, son sourire et ses cochons! »

Jour de départ. Nous sommes partis de chez Tuka vers 8h le matin, et avons refait le parcours jungle en sens inverse jusqu’au village de Sarhul (sous un soleil de plomb , c’était vraiment très dur). Là nous avons mangé et attendu quelques heures que le conducteur de la pirogue arrive pour nous conduire chez Cookie (à environ 3H de là) pour nos deux dernières nuits. Comme souvent rien ne se passe comme prévu, Sarhul revient en nous disant qu’il y a un changement et que nous ne pouvons pas aller chez Cookie. On vient de lui apprendre que notre bateau de retour vers Padang va peut-être partir à midi au lieu de 20H et qu’aller chez Cookie juste pour 1 nuit ça ne vaut pas le coup vu le temps de trajet. Mieux vaut aller dans une Uma à 1H de marche d’ici pour la nuit, puis le lendemain rentrer en pirogue à Muara Siberut chez sa sœur, et y passer la nuit pour être là si le Ferry part à midi (on ne comprend pas trop pourquoi le Ferry partirait à midi vu que c’est toujours le soir, mais bon…)

Sur le coup nous sommes un peu dépités, nous ne rencontrerons pas ce fameux Cookie et en plus nous « perdons » une nuit… Mais bon… Nous espérons que là où nous allons ce sera bien quand même.

Nous revoilà partis à travers jungle dans une partie particulièrement boueuse et avec un ciel très très chargé. Il commence à pleuvoir alors que nous sommes à 50m d’une immense Uma. Celle de Tuka fait environ 200m2 et fait partie des plus grandes. Là on peut dire qu’elle doit faire 300m2 ! Quelle surprise quand nous découvrons qu’un vieil homme y vit seul ! Nous apprenons que c’est le frère de Cookie, sa femme est morte il y a quelques années et ses enfants sont tous partis vivre au village. Il refuse d’y aller lui aussi et préfère rester là à vivre seul. Ca nous a semblé vraiment triste de voir ce vieillard tout fripé et tout maigre tout seul dans la forêt et dans sa grande maison, mais nous allons voir que le mot triste est tout ce qu’il y a d’inapproprié ici !

Nous déposons nos sacs et ne pensons qu’à une chose : nous laver ! Petit problème, nous nous apercevons qu’il n’y a pas de rivière ! Juste un maigre ruisseau plein de boue. Oh non ! Nous décidons d’imiter la pub Tahiti douche (mais habillés et sans savon de peur de ne pas réussir à nous rincer) et sortons nous rafraîchir sous la pluie ! Nous restons là pendant peut être un quart d’heure… c’est trop agréable … Sarhul nous voit et comprend qu’on aimerait se laver. Il nous indique un chemin dans la forêt où le papy a installé sa « salle de bain ». Une sorte de petit barrage sur le ruisseau nous permet non pas de nous tremper mais de remplir une casserole et de nous laver. C’est boueux mais ça fera l’affaire ! Nous voilà en train de nous laver dans un ruisseau, sous la pluie, au milieu de la forêt, surréaliste…  Et voilà que les cochons décident de se joindre à nous ! Ah non ! Heureusement qu’ils sont peureux et partent au moindre geste. _DSC2508 [1600x1200]

Le petit « hic » de cette arrivée sera un léger accident qu’aura Seb : il a passé un pied au travers d’une des planches du sol de la maison et s’est soulevé un ongle ! Ouille ! Ben oui la maison est surélevée de 1m au dessus du sol (les cochons s’abritent dessous) et pas mal de planches sont bouffées par les vers . Étant donné qu’on a une corpulence deux fois plus grosse qu’eux il faut marcher sur des œufs ici ! Ce n’est pas une blessure grave mais embêtante puisque c’est au pied et que nos pieds sont soumis à rude épreuve ici.

Passé cet épisode nous faisons connaissance avec Tarason, ce papy extraordinaire. Il a un visage que j’adore, tout le temps souriant et plein de mimiques. S’ il aura fallu du temps pour gagner la confiance et l’attention de la famille de Tuka, ici par contre nous sommes d’emblée adoptés. Il parle quelques mots d’Anglais et comprend plutôt pas mal. Avec notre vocabulaire Mentawai nous arrivons bien à communiquer avec lui. Je dirais qu’il doit avoir au moins 70 ans, et il est encore agile comme un singe. Aucun problème pour s’asseoir pas terre et se relever avec légèreté !

Sarhul nous dit que Tarason a plein de cochons et que si on veut on peut en manger un ce soir ! Génial !! Nous voilà parti avec papy Tarason dans la forêt à peut-être 300m de la maison pour appeler les cochons. Le chemin pour y aller est magnifique, digne d’un décor de film. Comme il y a vraiment beaucoup de boue des troncs sont disposés tout le long, et avec le reflet de la lumière c’est superbe. Nous arrivons enfin dans un endroit dégagé où les cochons viennent manger. Tarason tape sur un bambou. C’est censé dire « à la soupe » et faire venir les animaux. Il attend… écoute… tape à nouveau…attend…etc et toujours avec le sourire (il me fait beaucoup penser au papy de la vallée d’Harau ) , mais rien ne se passe… Nous commençons à nous dire que nous avons une malédiction avec les cochons ! Nous passerons plus d’1H à attendre silencieusement les pieds embourbés dans la bouillasse. Peu à peu les cochons arrivent, papy leur donne du sagou pour les occuper. Il prépare une liane avec un nœud coulant au bout. Il s’accroupit, et attend qu’une petit cochon vienne près de lui, puis doucement il place le «piège » sur le sol. Un cochon pose sa patte dedans, c’est bon! Il tire d’un coup sec, le cochon hurle, super papy d’un geste rapide le soulève du sol et l’attrape dans ses bras, tout ça en un quart de seconde (le cochon devait tout de même peser 15Kg voire plus) et en courant car il faut faire attention aux représailles de la maman cochon qui est tout près ! Ca se débat, ça cri, Sarhul et Oggey viennent l’aider et ficellent les pattes de l’animal. Ouff ça y est ! Que d’émotions !

Avant de rentrer à la maison Tarason coupe un petit bout de l’oreille du cochon et part la déposer dans la forêt en récitant des incantations. Il s’excuse auprès des esprits de la forêt et des cochons d’avoir tué un animal. Il leur dit que c’est pour se nourrir et non pour le plaisir, et qu’il faut le pardonner et continuer à le laisser se nourrir ainsi.

Après ça, retour à la Uma, où le cochon est égorgé (ce n’est pas la partie la plus agréable je l’avoue) et cuit « à la broche » empalé sur une branche.

La soirée se passera ici aussi à la bougie (incroyable de voir ce vieillard se déplacer avec agilité dans cette maison presque totalement noire!), tous réunis autour d’un plat, il y a également la femme et la fille de Sarhul qui se sont jointent à nous pour la nuit (elle repartirons à l’aube car la petite a école et elle ont 1h de jungle pour y aller!) Nous avons dégusté ce cochon avec un immense plaisir, c’était délicieux ! Tout cela dans une ambiance de rigolade extra grâce à l’humour du papy. Après le repas il était tout fier de nous faire des tours de magie ! Quelques bouts de ficelles, et c’est parti, le voilà lancé dans des démonstrations de tours de passe-passe (plutôt vraiment réussis!), nous l’applaudissions, il était aux anges et s’applaudissait aussi ! Un vrai bonheur ! Ensuite nous avons chanté. Un peu nous, et un peu lui. A la fin de chacune de ses chansons il disait « finish » et éclatait de rire en s’applaudissant. Puis nous nous sommes couchés (au dessus des cochons!).

Le passage dans cette Uma, même bref restera un souvenir marquant du voyage.


« Jago »

« Jago », ou « prends soins de toi ».

C’est ce que j’ai dit à chaque membre de la famille de Tuka en les serrant dans mes bras avant de partir. Mama m’a gardé longtemps contre elle (et à même réussi à me faire un vrai bisou) et évidement j’ai encore chialé… Halalala que d’émotions là-bas. C’est dingue de partager tant de choses extraordinaires avec ces gens et de se dire qu’on ne les reverra peut-être plus jamais…

Enfin,… Plus jamais je ne sais pas, parce qu ils nous ont demandé de revenir. Mama nous a même fait planter trois bananiers pour que nous puissions en manger les fruits  plus tard! On verra… c’est vrai qu’on aimerait également voir comment se sera passé l’année du petit Farzi… Bref, on verra… 🙂

Un dernier mot sur l’évolution de la situation des Mentawai vivants encore dans la forêt ; Je n’ai pas vraiment creusé la chose car j’ai senti que Sarhul n’avait pas envie de s’appesantir vu que ce n’est pas très « positif » et ce qu’il m’a dit m’a suffit à me faire mon idée à savoir que très bientôt, d’ici quelques années tout le monde sera dans les villages. L’année dernière je me disait qu’il y avait encore une chance, que si le gouvernement les laissait tranquilles ça pouvait changer, mais maintenant je vois que non. Il est trop tard pour que quelque chose change, une fois que le « progrès » est en marche on ne peu plus l’arrêter. Seuls quelques anciens, ou « Sikerei » (=chamanes) comme Tuka souhaitent rester dans la jungle. Les enfants et les jeunes sont irrémédiablement attirés par toutes les choses modernes et veulent aller là où il y a du monde, et plein de choses si attirantes. J’ai été surprise de découvrir que Tuka avait laissé partir son fils chez son frère vivant au village pour qu’il aille à l’école. Il reste encore le petit qui pour l’instant est bien dans la forêt, mais dès qu’il grandira un peu il voudra certainement partir lui aussi…. Ce qu’il faudrait c’est que toutes les personnes qui partent ainsi dans les villages puissent vivre de façon plus moderne (puisque c’est ce qu’ils veulent apparemment) mais tout en conservant leur traditions et en ne perdant pas leur culture. Pas simple… Ils ne semblent pas se rendre compte de la richesse culturelle qu’ils possèdent…

Sarhul nous a dit qu’il avait essayé de monter une association pour créer une sorte de foyer social où les enfants pourraient aller après l’école pour écouter des histoires sur la manière dont vivaient leurs ancêtres. Il a du pour ça demander la permission au chef du village. Celui-ci lui a simplement dit que ce n’était pas la peine, que ça ne valait pas le coup de s’embêter… C’est bien malheureux…

En tant que touristes visiteurs, je pense que nous jouons un petit rôle dans la vie de ces « derniers » Mentawai. Tout d’abord nous apportons un peu d’argent à ces familles qui résistent  (mais qui ont malgré tout besoin d’acheter certaines choses). Mais surtout je pense que l’intérêt que nous leur témoignons les met en valeur et leur permet de garder à l’esprit que leur culture est précieuse et intéresse le monde.

Si vous aussi vous rêvez d’aller faire connaissance avec ce peuple fascinant gardez tout de même à l’esprit que ce n’est pas une sinécure; Le chemin est très long pour arriver dans une famille, c’est très fatiguant, cela peut-être dangereux, le moindre confort est totalement inexistant, c’est sale et vous perdrez tous vos repères. Il faut accepter de s’intégrer totalement, d’avoir un regard neuf, d’oublier tout ce que l’on sait et ce que l’on croit et adopter leur vision des choses. Venir en simple visiteur et penser que ce sont des « vacances sensations fortes marrantes » est utopique, voire dangereux et surtout extrêmement dégradant pour eux. Dangereux pour vous car vous pourriez être déçus voire choqués par certaines choses, mais aussi pour eux car ce ne sont pas des bêtes de foire qu’on vient observer et à qui on fait l’aumône en distribuant argent et « savoir » venu du monde « civilisé ». Il faut par ailleurs avoir du temps à partager avec eux car c’est un peuple qui nécessite qu’on l’apprivoise et qu’on le comprenne, ce qui même avec la meilleure des volonté peut demander du temps, beaucoup de temps…

Si j’ajoute cette parenthèse c’est car je sais que les voyageurs sont nombreux à vouloir tenter l’aventure, mais pas tout le temps avec le bon état d’esprit et dans de bonnes conditions. Par exemple venir à plus de 4 personnes est un grosse erreur à mon sens : comment s’intégrer et  être immergés ainsi?  Également il faut prêtez une grande attention au choix du guide car certains ne pensent qu’ à l’argent qu’ils vont gagner au détriment du respect du peuple (et du votre!)… Bien sûr je vous conseille à 100% de faire appel à Sarhul (Contact rubrique « partner »)

Un séjour chez les Mentawai  peut-être une merveilleuse expérience qui vous marquera à vie de façon positive, mais cela peut-être également très facilement un désastre si c’est mal préparé ou fait avec des attentes « décalées » par rapport à la réalité.


Quelques images d’enfants dans les villages du gouvernement

Voilà fini cet épisode chez les Mentawai. Si j’ai eu le temps de vous raconter tout ça aussi « rapidement » c’est parce que malheureusement nous avons « perdu » une journée qui aurait du se passer encore dans la jungle ou sur le bateau pour Padang. En effet nous sommes rentrés chez la sœur de Sarhul pour cette histoire de bateau qui pouvait partir à midi. Au final comme je m’en doutais il partira le soir et nous aurons un jour entier à tuer. Heureusement dans les villages il y a l’électricité (enfin… quand ça marche) et je passerai toute la journée à écrire, (ce qui m’avance énormément ).

Nous sommes allés au port vers 18H30 car le ferry devait partir à 20H. Il ne lèvera l’ancre finalement qu’à 23H, mais alors que nous nous attendions à certainement passer une nuit blanche (nous prenons le « Ambu-Ambu, le bateau qui a peu de couchettes)  nous avons eu la super surprise d’atterrir dans une des cabines de l’équipage ! Sarhul et un autre gars connaissent un des membres et du coup sans même payer de supplément nous avons dormi au frais et sur des couchettes avec matelas (plutôt propres en plus) ! Mais quel luxe !! Nous avons rêvé d’un matelas toute la semaine (nos fins tapis de plage ont amélioré nos nuits pas rapport à l’année dernière mais c’était pas non plus tout confort! J’en repars avec un bon torticolis !), et voilà nous l’avons eu plus tôt que prévu ! 😉

Actuellement d’ailleurs je vous écrit depuis ma couchette, il est 8H30 du matin, nous devrions arriver vers 10H. Ensuite nous partirons pour 4H de route pour la Valley d’Harau où nous allons bien nous reposer !

Bye Bye

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