Excursion en terre inconnue 3, chez les Mentawai
Vous voulez partir vous aussi? Allez lire nos aventures depuis le début, (cette page est le récit du troisième séjour!)
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*LE CONTACT pour organiser votre séjour : Sarhul, guide Mentawaï est plus qu’un guide pour nous .
Si vous souhaitez économiser et vous débrouiller pour organiser votre excursion, vous pouvez aller sur Siberut par vous même en bateau depuis le port de Padang puis retrouver le guide là-bas, mais il n’est pas simple de s’y retrouver face à toutes les sollicitations!
L’idéal est d’appeler (ou d’envoyer un sms) à Sarhul en amont pour voir s’il est dispo: (+62)813 7226 5185 , vous pouvez le trouver sur FB messenger également « Ere sikaliou Mentawai »
Mars 2019, je publie un livre de récits de voyage, photographies et conseils pratique. Un chapitre a lieu chez les Mentawaï pour une nuit de magie!
Carnet de route
Je ne pensais pas faire de carnet de route pour cette excursion chez les Mentawaï hormis donner quelques nouvelles . En effet après trois séjours je pensais que ce serait un peu «toujours pareil ». Finalement je vais quand même vous raconter ce que nous avons fait ! Et il y a des nouveautés!
Si vous recherchez des infos pratiques comme comment faire comme nous, connaître les conditions de vie dans les familles, ou comment se déroulent les journées, je vous invite à lire les carnets 2013 et 2014.
Nous avons retrouvé avec grand plaisir notre guide Sarhul au port de Muara Siberut où nous sommes cette année arrivés en « fast boat » car les ferry sont en maintenance. Un mal pour un bien car pour un prix pas énormément plus cher il ne nous a fallu qu’une matinée pour arriver au lieu d’une nuit entière.
Ogay l’accompagnateur-cuisinier (de l’an dernier) nous a aussi rejoint. Ce jeune est super également, nous étions bien entourés.
La première nuit nous l’avons passée chez sa soeur au village près du port car il était trop tard pour partir dans la jungle. J’ai toujours plaisir à la revoir, elle est toute petite et toute douce, et son mari est très gentil aussi.
Le soir, nous avons élaboré notre programme pour les 6 nuits à venir. Bien sûr nous voulions retourner chez Tuka, mais nous voulions également revoir Tarason et rencontrer aussi le célèbre Kooki . En effet beaucoup de touristes séjournent chez lui car sa Uma (=maison) est plus facilement accessible (seulement 1H de pirogue + 30mn de marche contre 3-4H + 2H pour Tuka). Nous avons décidé de passer 2 nuits dans chaque maison.
Chez les Mentawai les choses se passent rarement comme on les a prévues, on le savait déjà et nous avons pu à nouveau le vérifier à nouveau !
Le lendemain nous avons retrouvé la pirogue, la forêt, et la boue ! Ca c’est comme la gentillesse des Indonésiens, on a beau s’y attendre on est toujours surpris !
Arrivés chez Tuka nous avons été accueillis a bras ouverts, ils étaient visiblement contents de nous revoir et nous avons eu la sensation bizarre que justement ça ne nous faisait pas du tout bizarre d’être là ! Tuka nous a dit que nous avions mis longtemps à revenir ! Heu… une fois par an c’est pas mal, non ? Après ça ils ont tous été unanimes pour nous dire que deux nuits chez eux ce n’était pas assez. Ok , nous avons cédé une nuit de plus, (et enlevé une chez Kooki).
En plus de Tuka, sa femme, sa sœur, la mama et les trois enfants nous avons eu la joie de voir qu’ Aman Sasali , sa femme et leur cinq enfants vivaient également là. Aman Sasali est le frère de Tuka et nous l’avions rencontré l’année dernière mais il vivait alors dans un village. En fait il n’y vit pas réellement. Il n’y va que quand il a besoin de travailler (par exemple à la construction d’une route ou autre) pour gagner un peu d’argent. Il y avait donc pas mal d’ambiance à la maison avec au total huit enfants entre un et dix ans environ.
Les journées se sont déroulées tranquillement comme d’habitude, rien n’a changé là bas, si ce n’est le lit de la rivière que s’est un peu déplacé (et il y a moins d’eau aussi ce qui n’a pas facilité nos « douche »). Nous avons adoré pouvoir mieux communiquer avec la famille, en effet nous connaissons maintenant pas mal de mots Mentawai et eux un peu plus de mots Anglais ce qui fait qu’on peut échanger.
Nous sommes allés dans la forêt avec Tuka et son frère pour planter quelques arbrisseaux et ils nous ont fait découvrir de nouveaux vers . Mmmmmhh Mananam (=délicieux) comme on dit ici! lol Sans rire ces vers étaient énormes ! Les deux années précédentes nous avions trouvé (et goûté) des vers d’environ 4cm sur 1, là il étaient trois fois plus gros ! Il tenaient tout juste dans la paume de la main, incroyable ! J’y ai quand même goûté même si ça me tentait moins !
Rien de spécial sinon, les journées sont toujours rythmée par le passage de visiteurs venus discuter (et accessoirement venu « voir » les touristes!), les cueillettes, les repas etc Nous avons d’ailleurs rencontré deux frère de la mama en plus de pas mal de monde qu’on connaissait déjà.
Nous n’avons pas revu Fazri (le petit garçon à qui nous avions payé l’école l’an dernier), visiblement il a fait le timide quand nous l’avons aperçu en arrivant. Sarhul nous a dit qu’il n’était finalement allé à l’école que quelques mois. En effet pour être sur place il devait habiter chez Sarhul au village, mais son « chez lui » devait lui manquer…
Le premier soir nous avons montré la vidéo faite l’an dernier à toute la famille,et ça leur a beaucoup plus de se voir ainsi et de se souvenir ! Le second soir ils nous l’ont redemandée car il y avait des « voisins » de passage qui voulaient la voir.
Le deuxième jour Sarhul nous a demandé si nous voulions voir des chants de danses traditionnels. Moyennant finance Tuka et son frère pouvaient nous organiser une petite « cérémonie » chamanique. Je mets des guillemets car comme nous lui avons expliqué, ce serait plus pour nous un spectacle qu’une vraie cérémonie. En effet une cérémonie est faite pour un but ou une occasion spéciale. On n’invoque pas les esprits pour rien ! Même si je pense que toute personne venant chez les Mentawai rêve de voir un tel événement, nous avons décliné l’offre car nous préférons ne rien voir du tout que voir quelque chose qui n’aurait pas vraiment la valeur qu’elle mérite. Il a très bien compris et sans qu’on ne le sache, l’idée a fait chemin dans sa tête.
Le lendemain nous sommes partis à 1h de marche environs dans un nouveau village où Tuka devait rencontrer un ami. Nous avons attendu là -bas 1H de plus sur la terrasse d’une maison. Tuka et Sarhul discutaient avec les occupants et nous commencions en peu à trouver le temps long. A ce moment là on s’est demandé si trois jours (il en restait un) ce n’était pas beaucoup étant donné qu’on a déjà fait un peu toutes les « activités » possibles…. En effet on ne peut pas toujours suivre les familles dans leur tâches quotidiennes, car nous serions plus un poids pour les ralentir qu’une aide ! Sur ce, Tuka nous a dit que son ami n’était visiblement pas là et que nous rentrions à la maison pour déjeuner. Sarhul nous a proposé d’y aller sans lui, car il allait dans un autre village un peu plus loin, chercher quelque chose.
Sarhul a fini par rentrer vers 16H . Là il nous a annoncé qu’il avait trouvé une vraie cérémonie qui allait avoir lieu le soir même dans un village à 2H de là. Voilà ce qu’il cherchait ! Il avait entendu parler de l’événement le matin et avait cherché le chaman chez qui ça se passait pour savoir si nous pouvions y aller. Il a en plus bien négocié le prix pour nous (eh oui tout se paye chez les Mentawai) Ni une ni deux, nous avons filé nous laver (la nuit allait être longue et nous ne savions pas où nous allions nous retrouver!), replier nos affaires et dire au-revoir à la famille. Nous étions assez gênés de les laisser en plan comme ça en partant une nuit plus tôt que prévu et aussi vite…. Mais ça ne nous a pas retenu pour autant, car ce qui nous attendait allait être extraordinaire, j »était tellement impatiente !
Les au-revoir ont été moins « humides » qu’habituellement, peut-être car mon esprit était déjà un peu pris ailleurs, ou alors parce que chaque année je pense faire des « adieux » alors qu’au final nous revenons toujours ! J’y crois plus lol
Nous sommes partis sous une bonne pluie et sommes arrivés trempés au village. Nous nous sommes dirigé vers une petite Uma d’où provenait des bruits de percussions. (souvent dans les villages les maisons ne ressemblent plus à des Uma, mais là oui).
Nous sommes entrés (ou plutôt « montés » par la passerelle en bambous) et avons découvert le spectacle qui s’offrait à nous : pas moins de sept Sikerei (=chamanes) costumés. Incroyable ! Ils se sont levés un à un et sont venu nous serrer la main et se présenter. Whaou je peux vous dire que j’étais énormément émue de me trouver face à eux. Ils sont magnifiques avec leur coiffes, leur peintures sur le vissage, il se dégage vraiment quelque chose d’eux. J’avais l’impression de me retrouver dans un livre ou dans un film. J’avais vu des photos mais là c’était juste surréaliste de voir ça en vrai !
Sarhul nous a présenté à Aman Tiru, le propriétaire de la maison.
La cérémonie est à son initiative car sont but est de guérir son père malade. Ce chaman a un beau visage au trais fins et était très sympathique, très souriant. Il nous a invité à nous asseoir avec les autres spectateurs (une vingtaine de gens du village) et à regarder.
Nous avions raté les deux premières étapes de la cérémonie (sacrifice de poulets et un rituel avec un bambou) mais arrivions juste pour l’étape des cochons. Deux énormes spécimens ficelés sur le sol ont été bénis puis égorgés. Comme toujours il leur est demandé pardon, le chamane les remercie de donner de quoi manger aux familles et leur explique qu’il ne les tue pas par plaisir. Ensuite ils ont été découpés en petits morceau pour être cuits et partagés en quantité égale entre toutes les familles.
J’étais assez gênée de faire des photos… J’en ai fait quand même évidement ! Aman Tiru m’a montré deux autres chamans et m’a dit que pour eux trois, pas de problème pour faire des portraits mais que pour les autres je pouvais faire des photos de groupe mais pas d’eux seuls. Je me suis quand même faite le plus discrète possible et en réalité je n’ai pas fait tant de photos que ça. Les conditions étaient compliquées (peu de place, peu de lumière, ça bougeait beaucoup et une lampe à pétrole pendu en plein milieu me gênait) il aurait fallu que je « m’incruste » plus pour y arriver mais je ne voulais pas risquer de déranger ou d’offenser. J’ai pas mal filmé et c’est wahou! J’ai hâte de faire le montage (et de vous montrer 😉 )
Donc après l’épisode du cochon il ne se passait rien de spécial si ce n’est que les chamans chantaient assis par terre pendant que la viande était découpée. Sarhul en a profité pour nous mener dans une petite maison en bois juste à côté (vraiment collée à deux mètres de la première) et nous a dit qu’on pouvait installer notre moustiquaire là car elle était pour nous quatre cette nuit. Super ! En effet la cérémonie dure la nuit entière mais nous devions quand même penser à dormir un peu car derrière une autre journée nous attendait. Nous avions une place de choix car de là nous pouvions suivre ce qu’il se passait à côté sans être en permanence « au milieu ». Nos guides nous ont ensuite préparé à manger car à côté la cuisson du porc allait être très longue.
Je ne vais pas détailler toute la cérémonie car d’une part je ne connais pas tout et d’autre part ce serait un peu long ! D’ailleurs je tiens à remercier Raymond Figueras anthropologue qui a beaucoup étudié les Mentawai d’avoir répondu à quelques unes de mes questions via Facebook (vous pouvez acheter son livre « Au pays des hommes-fleurs, avec les chamans des îles Mentawai » que j’ai lu et qui est très intéressant). Et chose amusante, Aman Tiru est le Sikerei apprenti qui figure sur la couverture de son livre! Le monde est petit chez les Mentawai aussi 😉
Vers 21h Sarhul nous a dit que les danses ne commenceraient pas avant un bon moment le temps que le cochon soit cuit, que tout le monde mange etc, et que nous pouvions aller dormir. Nous entendrions de toute façon du bruit dès que ça recommencerait. J’ai un peu hésité de peur de rater quelque chose, mais finalement nous sommes allés nous coucher vers 21H30 voyant que rien ne bougeait. Nous avons bien fait car c’est seulement vers minuit et demi que nous avons été réveillés par un bruit de clochettes. Vite vite, on saute hors de la moustiquaire, j’attrape mon appareil et c’est les yeux gonflés et le cheveux en bataille que j’ai débarqué à côté! Tous les chamans s’étaient rassemblés et formaient une ronde. Ils chantaient et bougeait en rythme faisant tinter des clochettes puis ils ont commencé à taper des pieds et à tourner. Waouw impressionnant ! Je dois dire que je n’en croyait pas mes yeux, il se dégageait d’eux quelque chose de vraiment fascinant. Tout au long de cette cérémonie je n’arrêtais pas de me répéter « mais c’est complètement dingue ! » j ‘en ai même eu les larmes aux yeux.
Ils ont dansé, chanté, appelé les esprits de la forêt et ceux des ancêtres.
Il y a eu aussi des épisodes de « transe ». Incroyable, certains d’entre eux étaient saisis de mouvements incontrôlables et des personnes du public devaient même venir les retenir jusqu’à ce qu’ils se relâchent et glissent sur le sol. Une femme est également entrée tout d’un coup dans leur danse, les a suivi un moment en bougeant en rythme puis elle aussi est entrée en transe. Prise de secousses il fallait la tenir jusqu’à ce que ça s’arrête (j’ai regardé les vidéos que j’ai faites et c’est vraiment hallucinant!). Sarhul m’a expliqué plus tard que parfois si il y a dans le public quelqu’un avec une sorte de « faiblesse », un esprit peut entrer dans son corps !
Par contre ce qui nous a surpris c’est qu’on s’attendait à quelque chose de très sérieux, solennel, que les gens soit très concentrés (le sujet de la cérémonie est quand même une personne malade), mais en fait plusieurs des chamanes étaient très souriants et même riaient souvent entre eux. Il leur arrivait de mimer des animaux et ils éclataient de rire, on aurait dit un groupe d’enfants! Raymond m’a expliqué que ces séquences sont « récréatives » et ont pour but d’une part de détendre, mais aussi de mettre les chamanes en condition de façon à lutter contre les esprits néfastes qui entourent l’Uma et le malade et à leur donner la force de « tenir » toute la nuit.
Nous avons aperçu le malade au début, ils lui ont fait boire quelque chose mais ensuite nous n’avons pas tout vu car ils l’avait entraîné au fond de la maison, puis il s’est retiré pour dormir. Plus l’heure avançait et plus les chamanes transpiraient et semblaient éprouvés. Il me semble qu’en plus de ne pas dormir ils ne doivent pas non plus manger ni boire! Le plus vieux (très vieux je pense) s’est d’ailleurs arrêté plusieurs fois, se contentant de chanter assis par terre. Les danses ont peu à peu été entrecoupées de pauses et parfois ils ne dansaient que par deux ou trois. Nous avons décidé de nous coucher vers 3H 30. Je serais bien restée mais il fallait être un minimum en forme le matin. Une fois couchés par terre dans notre cabane nous avions la tête à quelques mètres des tambours et des chants mais nous avons quand même sombré dans le sommeil.
A 6H j’ai ouvert les yeux et entendu aussitôt les chants. Mince ! Je me lève vite, je ne veux rien rater de plus ! Au moment où je sors sur notre « terrasse » je vois sur celle voisine tous les chamanes réunis qui chantent en tenant ce qui je crois était une assiette. Malheureusement j’ai juste eu le temps de les voir que c’était fini et ils sont rentrés ! Mince ! Mince ! Raymond m’a expliqué qu’à priori il s’agissait pour les chamanes de rappeler l’esprit du malade afin qu’il revienne se fixer près du corps. Je suis restée dehors à « espionner » un peu ce qu’il se passait à côté et j’ai aperçu deux chamans accroupis tenant les entrailles d’un porcelet ouvert devant eux. Un autre assis à côté d’eux à levé la tête et m’a vue. Il m’a fait signe de venir. Je les ai rejoins mais au moment où je suis arrivée ils avait fini, ils venaient d’examiner le cœur de l’animal pour savoir si il y avait un bon présage pour que la cérémonie ait fonctionné. Celui qui m’avait fait signe a pris la pose le cœur à la main pour que je le photographie et à même fait semblant de le manger en rigolant ! J’ai profité de l’occasion et surtout d’avoir enfin la lumière du jour pour photographier deux autres chamanes. Je leur ai montré le résultat sur l’écran et ils étaient ravis, un des deux qui était moins avenant m’a même attrapé par les épaules en riant. Moment fugace, unique… Moi, eux et de la magie…
Si vous croyez qu’après ça ils sont allés se coucher, vous vous trompez ! Ils sont allés chercher quelques herbes médicinales dans la forêt pour le malades puis ils ont rangé divers accessoires de leur tenue et sont restés à discuter en attendant que le porcelet soit cuit. Nous sommes restés un petit moment, puis nous avons pris congé.
Lorsque je repense à tout ça j’ai l’impression d’avoir rêvé, je dirais presque que je ne m’en souviens pas bien ! J’ai oublié les chants, les rythmes… Je suis contente d’avoir filmé pour pouvoir regarder ça à nouveau.
*Je raconte cette nuit de magie dans mon ouvrage « Et si c’était possible… »
Nous avons eu une grande chance de pouvoir être au bon endroit au bon moment (et aussi un bon guide qui s’est démené pour nous faire plaisir!). Et je regrette maintenant d’avoir dormi! Voir une cérémonie n’est pas donnée à tout le monde. C’est d’autant plus fantastique, que bientôt d’ici quelques années peut-être cela n’existera plus. Il y a de moins en moins de familles qui restent dans la forêt. Dans les villages les jeunes qui y grandissent ne sont plus intéressés par tout ça. Il vont à l’école où on leur apprend une « vraie » religion et la culture se perd. Les Sikerei vieillissent même si il en reste encore quelques uns de plutôt jeunes . C’est vraiment triste tout ça…
La journée qui a suivi a été un peu compliquée et nous avons été content malgré tout d’avoir dormi quelques heures la nuit précédente. Nous avons repris la route (ou plutôt la marche en pataugeant gaiement!) vers la maison de Tarason. Il faisait très chaud on était fatigués, les sacs à dos nous pesaient. A mis chemin il y avait un village avec la plupart des maisons en cours de construction. Tout d’un coup on tombe sur qui ? Tarason ! En train de construire une maison ! Sarhul nous explique qu’il a fini par accepter la proposition du gouvernement qui offre une maison à ce qui le veulent pour les « faire sortir de la forêt ». Il la construit lui même comme ça il récupère l’argent. Il ne compte pas vraiment l’habiter. Seulement de temps en temps et puis peut-être pour plus tard car tout seul dans sa grande maison au cœur de la jungle ce n’est quand même pas évident… Mais il n’aime pas cette nouvelle maison, avec son sourire si spécial il m’a dit « tak maeru » (=pas bien, pas bon) en désignant la maison. Il est trop beau , je l’adore !.
Ensuite il a discuté avec Sarhul et Ogé et il avait l’air de parler de quelque chose de très sérieux, il parlait vite, ne souriait pas. Après ça Sarhul nous a dit qu’il y avait un souci, nous ne pouvions pas aller passer deux jours chez lui comme prévu car il avait un problème de famille à régler et ne retournait pas dans sa « vraie » maison le soir même (visiblement une bagarre d’un petit fils avec quelqu’un d’un autre clan). Nous avons été vraiment déçus. Le plaisir de retrouver ce vieil homme avait été immédiat, son sourire et ses yeux malicieux avaient fait que nous nous étions instantanément attachés à lui l’an dernier et nous avions vraiment envie de passer du temps en sa compagnie… Dommage, vraiment dommage….
Du coup, Sarhul nous dit que la seule solution est d’aller directement chez Kooki. Ok. C’est quand même bête car c’est là qu’on voulait rester le moins de temps et on se retrouve à y rester le plus ! Nous reprenons la marche. Je dois dire qu’à ce moment là on était vraiment pas en forme ! La courte nuit, les deux heures de marche, la chaleur et la déception aussi. Heureusement nous avons risqué un « et il faut combien de temps pour arriver chez Kooki ? » et là Sarhul nous dit « environ 4H » Heu…. Il a du réaliser que lui même était fatigué et que 4H de marche ça ferait beaucoup pour nous. Il s’est arrêté en disant qu’il allait essayer de trouver plutôt une pirogue. Bonne idée ! Seulement ça a pris pas mal de temps, nous avons beaucoup attendu, voyant l’heure tourner et de plus en plus fatigués… d’attendre ! Finalement nous avons eu un bateau et environ 1H30 plus tard nous avons accosté. Après ça quand même une petite demie heure de marche (et beaucoup beaucoup de boue à cet endroit là! j’ai fait deux belles glissades sur les fesses!) et nous sommes arrivés dans la Uma de Kooki ruisselants de transpiration et maculés de terre. Ogé nous a tout de suite préparé à mangé pour notre déjeuner et c’est après ça seulement que nous avons réalisé qu’il était déjà 17H !! Pffff Quelle longue et dure journée !
Kooki a une très grande Uma sur pilotis avec des dizaines de cochons mi sauvages qui vont et viennent en dessous (par moment ça sent pas la rose mais vraiment ça pourrait être pire!).
On y accède par un ponton en rondins de bois. Il faut également marcher sur des rondins posés sur la boue et le purin pour arriver à la rivière une centaine de mètres plus loin. Pas évident pour aller se laver ! En plus il n’y avait pas beaucoup d’eau et elle n’était pas claire, la galère ! Bref nous nous sommes accommodés de ce manque de confort (c’était quand même plus pratique chez Tuka même si le « confort » est relatif) mais ça nous a un peu pesé , surtout à moi lorsqu’une nuit j’ai eu besoin d’aller faire un petit pipi ; Je suis sortie avec ma lampe frontale, et pour ne pas carrément traverser tout le ponton et descendre par terre dans la forêt et les porcs j’ai décidé de faire depuis cette passerelle en rondins (ben oui, il fait nuit et puis de toute façon là ou ailleurs lol). Je m’accroupis et j’éteins ma lampe histoire quand même de ne pas me faire repérer au cas où quelqu’un est réveillé. Oula ! Je n’ai pas précisé que les rondins bougent ! Je rallume. Tant pis, mieux vaut qu’on me voit en position délicate plutôt que de tomber dans les herbes et les cochons ! Mais c’était sans compter une attaque de minuscules fourmis rouges qui tout d’un coup ont pris d’assaut mes pieds nus ! Ouille !! Ouille ça pique! Difficile après ça de repartir dormir tranquillement… pfff Là en me recouchant (sur mon mini matelas qui puait l’humide) j’ai vraiment rêvé de retrouver une vraie salle de bain et un vrai lit! Lol
Trêve de plaisanterie, parlons de notre hôte. Il est réputé pour être un « comique » il a l’habitude de recevoir des touristes plusieurs fois dans l’année et d’après ce que j’ai entendu il est toujours d’humeur blagueuse. Il est vrai qu’il a un visage rigolo et le sourire facile, mais on ne l’a pas trouvé aussi avenant et attachant que son frère Tarason.
Il vit dans son immense Uma avec sa femme. La pauvre est devenue aveugle et est malade. Je ne sais pas ce qu’elle a exactement mais elle ne quitte pas un coin de la maison, soit assise par terre devant sa moustiquaire, soit sous celle-ci , elle doit trouver le temps extrêmement long… Nous sommes allés lui dire bonjour, elle a une voix aussi douce que son visage. Je lui ai tenue la main un moment, elle m’a murmuré plein de choses… La pauvre, ça m’a fait beaucoup de peine.
J’avais lu sur des blogs qu’il y avait toujours plein de monde chez eux et que c’était très animé, c’est d’ailleurs pour ça qu’on voulait venir. Mais nous avons été un peu déçus car à part quelques visiteurs il n’y avait qu’eux deux et c’était plutôt très très calme. J’avoue qu’on a un peu trouvé le temps long là bas . Le premier jour on a regardé Kooki confectionner un sac à dos traditionnel en rotin (qu’on a au final accepté de lui acheter, il ne perd pas le nord le Kooki lol). C’était sympa, mais c’est long ! Très long, ça a pris la journée entière et une partie de la soirée ! Heureusement dans l’après-midi un de ses frère, Toïcot est arrivé. Nous connaissons maintenant quatre d’entre eux. Celui-ci est celui qui lui ressemble le plus. Ca aura animé un peu notre journée car ils ont capturé et tué un cochon. Du coup le soir on a été ravis de changer un peu notre régime exclusif riz-nouille ! Rien de spécial sinon , les soirées étaient très calmes nous nous sommes couchés tôt. Le dernier jour aura été long encore car nous avons attendu la pirogue plusieurs heures….
En résumé nous avons eu un beau séjour, comme toujours rien que le fait d’être là-bas est déjà agréable en soit, mais c’est surtout grâce à la chance phénoménale de voir une cérémonie que cela a pris une autre dimension. Nous avons été ravis de revoir la famille de Tuka également, mais à savoir comment se déroulerait la suite on aurait préféré rester plus. Nous avons été vraiment déçus de ne pas passer de temps avec Tarason, et nous avons enfin pu rencontré Kooki.
Est-ce que nous y retournerons encore ? Je ne sais vraiment pas… Il est vrai qu’on a et qu’on aura toujours envie de revoir ces personnes, de voir les enfants grandir, de savoir ce que deviennent les adultes, comment évolue la vie là-bas… Et en regardant les vidéos je suis déjà prise d’une envie irrésistible d’aller leur montrer!
A suivre 😉